Un besoin d’espaces bipan à Bruxelles
À l’origine de ce collectif Bi Pan Bruxelles, Apo (iel), Mimi (elle) et Tere (iel), trois ami⋅e⋅s vivant à Bruxelles. Mimi est passionnée de poterie et amatrice d’astrologie. « Avant qu’on se lance dans cette belle aventure, Mimi nous avait tiré les cartes qui nous présageaient un avenir somptueux pour le collectif Bi Pan Bruxelles. » Tere est touche à tout, adore faire des choses de ses mains (couture, collage…), mais aussi du foot avec ses pieds. Apo est quant à iel passionné·e de danse et de théâtre et aime à la folie ses chats.
« Il n’y avait plus rien à Bruxelles pour les personnes bi et pan. Avant, il y avait eu des groupes, mais qui se sont arrêtés », nous expliquent-iels. « Je crois qu’en voyant ton post à toi (Ndlr : le post de Floralie Resa) sur le fait de faire un collectif Bi Pan Montpellier, que c’était facile de commencer un collectif, et en voyant Bi Pan Paris, on a assez vite parlé ensemble de créer la même chose à Bruxelles. »
Pour Apo, le projet était là depuis longtemps. Après huit ans de relation avec un homme cis et hétérosexuel, iel avait fait son coming in et out pendant le confinement au moment de la Covid-19 et, depuis, avait réfléchi à créer des espaces pour les personnes bipan, frustré·e de ne trouver que peu de contenu francophone et pas d’espaces dédiés. Iel a commencé à lire sur le sujet -principalement en anglais car beaucoup trop peu de ressources en français sur les bisexualités sont disponibles- et à écouter des podcasts qui parlent de bipansexualités. Mimi soutient son ami·e dans le processus de coming in, elle qui avait toujours su qu’elle était queer mais ça n’avait jamais été un sujet sur lequel elle s’était concentrée . Le cheminement d’Apo lui permet d’évoluer. Tere, de son côté, réalise petit à petit sa biphobie et lesbophobie intériorisées et, à travers son amitié avec Apo et Mimi, peut également enfin faire son coming in et out soutenu⋅e et entouré⋅e. Cela fait donc plusieurs années que le groupe est soudé et que la question de la bisexualité est sur la table. Quand iels décident de se lancer, tout va très vite. Deux semaines avant la Pride 2023, iels concrétisent leur idée en formant un bloc bipan dans le défilé et en créant leur page Instagram, avec l’idée d’organiser des groupes de parole. La Pride marque le début officiel du collectif.
Une communauté qui souffre de biphobie et d’invisibilisation
Pour Apo, les difficultés de la communauté étaient visibles avant la création de Bi Pan Bruxelles : « J’ai beaucoup lu sur la biphobie, et je me suis rendu⋅e compte qu’il y en avait énormément, même dans les milieux queers et lesbiens. Ça m’a fait très peur et ça m’a empêché⋅e de m’impliquer davantage au début. »
La biphobie est également très présente en ligne, notamment quand on cherche un·e partenaire. « Sur les applis de rencontre, il y a encore tellement de stéréotypes : qu’on va être infidèles, qu’on veut nécessairement des plans à trois… Cela isole énormément », déplore également Mimi. L’absence d’endroit pour connecter entre bi dans le monde réel est aussi un gros problème.
Le collectif bruxellois a ainsi émergé d’un besoin commun : tenter de créer un espace le plus sûr et inclusif possible où les personnes bipan pourraient se reconnaître sans crainte de jugements.
Créer du lien à travers des activités variées
Aujourd’hui, le collectif organise des ateliers créatifs, des groupes de parole et partage du contenu politique. Iels expliquent que l’objectif est de créer des moments où les participant·e·s peuvent partager leurs vécus et se connecter : « Dans les groupes de parole, on a ce rôle de faciliter les discussions. On trouve ça hyper gratifiant que les gens connectent, se parlent, s’ouvrent aux autres. On trouve ça trop beau. C’est notre truc préféré. Aussi, quand on reçoit des nouvelles de gens qui sont venus aux groupes de parole et qui nous disent “après le groupe de parole, j’ai fait ça, et ça… j’ai pris cette décision…”, à chaque fois ça nous fait exploser le cœur qu’on ait permis ça. »
Au sein du collectif, des ateliers créatifs comme de la sérigraphie militante ou de la broderie sont aussi organisés, qui attirent d’autres personnes bipan. S’ajoute à cela la gestion des réseaux sociaux, les publications politiques et de memes et enfin la collaboration avec d’autres collectifs, notamment avec le Réseau bipan francophone. Malgré leur enthousiasme, les membres du collectif admettent que tout n’est pas simple. « On est trois personnes avec des boulots à plein temps et plein d’activités, et on fait ça en tant que bénévoles. Ça demande beaucoup de temps. Une régularité dans les groupes, de poster… C’est dur de trouver du temps de façon régulière, parce qu’on est très fatigué⋅es par nos vies ».
Un militantisme joyeux et engagé
Malgré les obstacles, les membres restent déterminé·e·s. « Ce qu’on veut, c’est plus de joie militante et que les personnes bipan se sentent pleinement légitimes dans les espaces queers.»
Il est essentiel que le collectif ne soit pas seulement un espace de luttes, mais aussi un lieu de célébration et de solidarité : « À chaque groupe de parole, il y a une tendresse et un soutien incroyables.» Le collectif bruxellois s’inscrit également dans une démarche intersectionnelle. Iels soulignent l’importance de relier leur combat à d’autres luttes sociales et politiques : « Dans les groupes de parole, il y a une colère qui monte. Une colère qui pousse à bouger, à s’unir, à défendre les droits des personnes bipan, mais aussi à s’allier à d’autres luttes, comme celles contre la montée de l’extrême droite en Europe ou pour la Palestine. Ça participe à une vraie convergence des luttes qui a toujours existé mais qui est visibilisée là, et ça fait du bien. »
Des défis pour demain
Malgré une communauté grandissante, le collectif fait face à des défis. Les membres regrettent notamment la faible participation des hommes bi dans leurs groupes de parole, ainsi que la stigmatisation persistante autour des identités bipan et la difficulté à atteindre les personnes bipan plus âgé·e·s hors d’Instagram.
Mais les ambitions restent grandes. Le collectif espère non seulement élargir sa visibilité, mais aussi renforcer la place des personnes bipan dans les célébrations et les luttes queers. Pour iels, le futur de la communauté bi et pan est aux côtés des autres communautés LGBTQIA+ : « On n’est pas forcément d’accord avec l’idée que la commu est très jeune. Il y a de tout temps eu et il continue d’y avoir plein de personnes bipan partout et très actives dans la communauté queer. Par contre, la visibilité et le collectif bipan, oui, c’est assez récent. On souhaite plus de visibilité, plus de joie militante, plus de joie en général, plus de sentiment de légitimité, et être pleinement inclus dans le milieu militant queer et se sentir à sa place dans les célébrations queers. »
Quand je leur demande ce qu’iels souhaitent pour l’avenir, iels rajoutent qu’iels veulent « ne pas avoir à se justifier en permanence de pourquoi c’est important d’avoir une communauté bi et d’être visible » et iels aspirent à « ce que la biphobie soit reconnue et qu’on ait des solutions mises en place pour l’arrêter ».
Le futur des Bi et Pan en Belgique
Le collectif a fêté sa première année au Crazy Circle, un bar les⋅bi⋅en, ouvert à la communauté les’, bi’, trans’, FLINTA, lors d’un événement toujours organisé par les trois ami·e·s et l’aide d’autres bénévoles : Julie, Jen, Margaux, Mathilde, Clémence, Diego, Sam, Gian et Julien. Avec une communauté en constante évolution, leur objectif est clair : continuer à tisser des liens, visibiliser les identités bipan et élargir leur impact à Bruxelles et ailleurs. Depuis, un autre collectif s’est formé en Belgique : Bi Pan Liège.